J’aime le ski parce qu’en remontant de la cave, on se pince les doigts en essayant de porter les skis, les bâtons et les chaussures, sans rien cogner dans les escaliers.
J’aime le ski parce que tôt le matin, on peut faire un Tetris dans un brouillard glacial, pour essayer de faire rentrer une paire de planches de métal coupant dans la voiture.
J’aime le ski, parce que je peux enfoncer mes pieds dans des chaussures glacées, en respirant l’odeur du diesel dans un parking géant, en équilibre précaire pour ne pas poser mes chaussettes dans la neige boueuse.
J’aime le ski parce que je peux acheter un forfait à un homme sans âge, rougeaud et mal rasé, coiffé d’un bonnet de laine posé au-dessus des oreilles, et qui n’a pas souri depuis la dernière tempête de neige au Sahara.
J’aime le ski, parce que je peux m’entremêler jambes et bâtons dans un tourniquet bloqué, sous le regard de dizaines de touristes me prenant pour un débutant.
J’aime le ski , parce que je peux partager pendant 10 minutes un télésiège avec des inconnus qui parlent de leur boulot, de leur belle-mère ou de leur vacances en Club, tout en se tartinant de crème solaire.
J’aime le ski, parce que je peux manger un sandwich presque sec pour le prix d’un hélicoptère de combat, d’une nuit dans un palace, dans une délicieuse odeur d’huile de friture.
J’aime le ski, parce que je peux jouer au mikado en essayant de retrouver les miens parmi les centaines de paires étalées partout.
J’aime le ski, parce que je peux me faire passer devant et marcher sur les spatules par des adolescents boutonneux qui s’extasient sur la beauté des montagnes tout en jetant leur paquet de cigarette par terre.
J’aime le ski, parce que je peux avoir froid aux pieds, aux doigts et au visage, mais quand même décrocher mon iphone et blackberry pour raconter à mes amis combien il fait froid à la montagne.
J’aime le ski, parce qu’en détachant les boucles couvertes de glace de mes chaussures, je sais que le meilleur moment arrive. Et là, la neige boueuse, l’odeur du diesel, les parents qui crient sur leurs enfants épuisés et transis, les voitures qui me frôlent à toute vitesse, pressées d’arriver dans les bouchons, plus rien de tout ça n’a d’importance.
J’aime le ski parce que lorsque enfin j’extirpe mon pied de ma chaussure, en tirant si fort sur mes muscles tétanisés de froid que j’en attrape une crampe.